lundi 24 décembre 2007

La Tabaski

La Tabaski est une des deux fêtes les plus importantes pour les Musulmans (la 1ere étant la Korité, la fin du Ramadan). Pendant la Tabaski, chaque famille tue un mouton pour commémorer qu’Abaraham était prêt à sacrifier son fils pour démontrer sa foi en Dieu. La date à laquelle la Tabaski est finalisée quelques jours avant sa célébration, car elle varie à chaque année selon le calendrier musulman et la lune.

Les jours précédents la Tabaski, les préparatifs allaient bon train partout dans la ville. Marchés aux moutons à chaque grande intersection. Concours à la télé, à la radio et sur les cellulaires pour gagner un splendide mouton. Les bêêêê (plutôt bweuurgk) retentissaient dans la ville et sur le toit de ma maison ou se trouvaient 4 moutons. Se faire fabriquer un habit spécial semblait la norme, donc Aida m’acheta un basin rose qu’on demanda à Ngaya de coudre. Tous les couturiers étaient surchargés de travail. Gas et Ngaya travaillaient tout le temps très tard le soir, même les fins de semaine.

La journée avant la Tabaski, les bonnes quittèrent la maison pour aller passer la fête chez elles ; c’est l’unique période de l’année pendant laquelle elles s’absentent. Aida, Fama et moi on hérita de leurs taches ménagères. Le matin, Aida et moi on ramassa les crottes de moutons sur le toit à l’aide de balais faits avec des longues épines de conifère. Ensuite on lavât ma chambre. Tasser les meubles, jeter un peu d’eau savonnée par terre, frotter avec un balai puis p asser un torchon à quatre pattes par terre pour éponger ce qui reste. Je lui demande : Il ne vous arrive jamais d’utiliser une mope? Tsé un genre de grand balai avec une éponge au bout? Parce que comme ça à quatre pattes on doit finir par avoir mal au dos. Elle me répond Non pas vraiment, tu sais on est habituées comme ça. Je lui dis, Et si j’en achetais une, les bonnes l’utiliseraient? Elle me dit, Non je crois pas, c’est pas dans la culture. On continue le ménage, j’attrape un choc électrique en tassant un câble pour la télé, Ouch! Puis on change de pièce, on va dans la chambre de Zuké. Je me pète la tête contre la fenêtre ouverte en me relevant. Ayoye! Je finis en aidant Fama à laver la chambre de l’autre Yaye. Je passe un chiffon sur les meubles puis elle me montre comment laver les miroirs avec un journal. Un journal un peu mou, un peu humide, ça fait la même job qu’un essuis-tout.

Le matin de la Tabaski, les hommes mettent leurs habits puis vont à la mosquée pendant que les femmes préparent le repas. On coupe des oignons, des patates et de l’ail ; ça en fait en titi des légumes à couper pour 20 personnes. Les hommes arrivent et le massacre des 3 moutons commence. Pour quelqu’un n’ayant jamais été confronté à ce genre de scène, j’ai trouvé ça un peu dur. Tellement que ça me levait le cœur et que le midi je me suis contentée de manger ma canne de macédoine de légumes. **Ne pas lire la suite du paragraphe si vous avez le cœur sensible.** L’un après l’autre les 3 moutons sont égorgés, puis vidés de leur sang, coulant lentement dans un bac. J’ai eu une vision particulièrement terrible lorsque j’aperçus un mouton, couché depuis assez longtemps a terre avec la gorge ouverte, soudainement bouger, faisant de grands gestes comme s’il pouvait encore se débattre pour vivre. Les bêtes sont ensuite gonflées puis ouvertes de partout. Leurs carcasses étaient pendues par la tête, les intestins grisâtres pendouillant. Il y avait du sang partout. Je tournai mon banc dans la direction opposé à la tuerie mais Aida m’interpellait et mon regard déviait et se fixa à quelques reprises sur deux têtes posées à terre sur un grand carton, sans corps et sans peau. Elles me dévisageaient de leur œil gluant sans paupière…Cheikhou, tu pourrais pas les tourner au moins? J’ai l’impression qu’elles me regardent.. Les coups de machettes coupant des os retentissaient. Aida me demanda de tenir un bout de côtes encore tièdes pour quelle puisse enlever le gars autour ; dire que une demie-heure auparavant elles faisaient encore partie du mouton. Les hommes faisaient le tout machinalement, dire que depuis leur enfance ils sont habitués à faire ce genre de chose…

Roch, chanceux, arriva quand le massacre fut terminé. Ngaya me fit essayer mon habit : trop serré! J’arrivais pas à respirer.. Aida lui avait dit de faire de quoi de serré, mais bon elle l’a conçu ultra serré du haut et ultra large du bas… Grrr! Et puis la jupe, j’avais spécifié un pagne pour pouvoir marcher, puis elle m’arrive avec une jupe étroite. Cibole. Elle le ramène en vitesse chez son couturier, puis me le ramène un peu moins serré du haut. Ah la la j’espère qu’on va le re-ajuster par la suite parce que la je trouve que mon 27 000 cfa 54$ en vaut pas trop la peine…

J’enfilai mon habit rose, il était rendu le soir. Je demande aux filles ce quelles font. Aida me répond, On s’habille et on se maquille… Je réponds Ok… et ensuite, vous allez ou? Eh bien on reste ici. Wow méchante fête. Heureusement que Fatou nous invite chez elle parce que Roch et moi faut qu’on bouge. On arrive chez ma collègue de travail, elle nous présente a sa famille, et son mari chrétien nous offre de l’alcool! Bon enfin, parle-moi de ça! Il met de la musique et on jase un peu. Tout le monde me dit que je suis belle. Il y a un peu plus d’ambiance que chez moi mais bon, les conversations sont souvent en wolof et personne danse. On décide d’aller chez Roch.

On prend un taxi, on arrive chez Roch, je salue son père, sa mère, sa sœur et son frère. Sa famille est chrétienne, donc ne célèbrent pas la Tabaski. Tout le monde parle bien le français, non seulement avec nous, mais aussi ENTRE EUX. Ils nous invitent à manger…sur une TABLE, avec des assiettes individuelles et des ustensiles! Et en plus il y a une bouteille de VIN! QUOI! T’es trop chanceux Roch! La bouffe au menu est exactement comme chez moi mais en version améliorée. Et surtout j’ai l’impression que tout est plus propre et que j’ai pas les germes de tout le monde dans mon plat. Je discute avec le père de Roch, avec qui je peut entretenir une vraie conversation intelligente. Chez moi au contraire je n’oserais jamais contredire le père même si je sais que j’ai clairement raison.. En plus je comprends tout ce qui se dit autour de moi, wow. Comme une bouffée d’air.

On en avait tellement entendu parler de cette Tabaski, je m’attendais à un peu plus…J’ai trouvé que le jour ressemblait beaucoup aux autres, à part que le midi on tue des moutons. Visiter de la famille et bien s’arranger sont des choses qu’on fait quotidiennement…Vivement Noël (je le passerai dans la famille chrétienne de Roch).

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